dimanche 27 septembre 2015

Gustave Flaubert, Lettre à George Sand


Je me suis pâmé, il y a huit jours, devant un campement de Bohémiens qui s’étaient établis à Rouen.

Voilà la troisième fois que j’en vois. Et toujours avec un nouveau plaisir.

L’admirable, c’est qu’ils excitaient la haine des bourgeois, bien qu’inoffensifs comme des moutons.

Je me suis fait très mal voir de la foule en leur donnant quelques sols. Et j’ai entendu de jolis mots à la Prudhomme.

Cette haine-là tient à quelque chose de très profond et de complexe. On la retrouve chez tous les gens d’ordre. C’est la haine qu’on porte au Bédouin, à l’hérétique, au philosophe, au solitaire, au poète.

Et il y a de la peur dans cette haine. Moi qui suis toujours pour les minorités, elle m’exaspère.

Du jour où je ne serai plus indigné, je tomberai à plat, comme une poupée à qui on retire son bâton.

Gustave Flaubert, Lettre à George Sand,

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