Adieu Crottin (ou le
Génie hygiénique)
Au Moyen âge, la plupart des hommes se sentaient bien
emmerdés
Car, n’ayant point encore rencontré le Grand Génie
hygiénique,
Les villes restaient sales, miteuses et plongées dans un
désordre anarchique :
On y respirait éternellement l’odeur de l’urée, de la sueur
et de la purée,
Et partout s’exhalait le parfum des toilettes, au lieu du
splendide parfum des prés.
Chaque jour, les ordures passaient au travers des fenêtres
et s’accumulaient
Sous les porches, tant et si bien que les riches citadins se
voyaient contraints
D’envoyer bien des pauvres dans la mouise, la daube, le
foin, la gerbe et le crottin,
Se vantant de tenir à eux seuls le haut du pavé
– Foutus rois du Karcher, Fils honnis du Tri sélectif !
Roulant en Porsche, ces grands escogriffes habillés de
vestes à griffe,
Se plaisaient, dans l’ombre comme à la lueur des torches, à massacrer
leurs valets.
Mais – notez-le dans vos carnets ! – le 15 avril 1831 naquit Monsieur Poubelle,
Vénérable humaniste, auguste figure de l’Histoire, magnanime
Préfet de la Seine,
Et, aux yeux comme au nez de l’avenir, fidèle garant de
l’hygiène.
Très en avance sur son temps, il donna son nom à une Invention
si noble et si belle !
C’est donc dans les années 1880 qu’enfin la boue, les bouses
et autres étrons furent régulièrement ramassés à la pelle,
Tandis que les déchets ménagers, enrobés de jolis sacs
irisés, remplirent de grandes bennes obscènes :
À partir de ce moment-là, plus jamais – non, plus jamais – l’on
ne marcha dans les selles
Et les artères de Paris, enfin décrottées, libérées et
sanctifiées, redevinrent pour toujours propres et saines.
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